vendredi 16 juin 2017

Les services de renseignement français face au terrorisme : des citations et des explications essentielles pour comprendre



L'idée d'une coopération accrue entre les services et à l'échelle européenne

- "Les pays (de l'UE) ne se font pas confiance, certains services préfèrent ne pas mettre des informations dans ce pot commun" (Eric Pelletier et Christophe Dubois)
- "En Europe, on voit bien que les coopérations bilatérales "had hoc" de pays à pays, sur des enjeux précis, fonctionnent mieux que les coopérations intégrées qu'on a tenté X fois de mettre en place au niveau de l'UE. Quand on découvre les événements (de 2015), on se rend compte que ce qui marche le mieux ne marche pas très bien". (Olivier Chopin, Du Gain à Moudre)
- "De même, on a créé un PNR [le registre européen des données des passagers aériens, adopté en avril, ndlr] qui permettra de repérer les personnes qui ont des comportements suspects. Même chose pour le PNR européen, qui est en fait constitué de 28 PNR nationaux et non d’un fichier central : l’échange de données est laissé à l’appréciation des États, y compris pour les faits de terrorisme… Autrement dit, l’utilisation des instruments européens existants n’est pas du tout optimale faute de confiance entre les services. C’est pour cela qu’il est important d’organiser des rencontres régulières entre les responsables européens des services antiterroristes afin qu’ils se connaissent et tissent des liens de confiance. Après, comme tout le monde a besoin de renseignements, la coopération se développera" (....)  "La confiance ne se décrète pas, elle se construit". (Gérard Deprez, Libération 20 décembre 2016)

-"... un fort cloisonnement des services secrets français, qui sont encore dans cette culture héritée de la guerre froide. Trop d'informations ne circulent pas entre les services" (Christophe Dubois et Eric Pelletier)
- "Aujourd'hui, il est plus difficile de faire coopérer ensembles des services intérieurs, parlons de la France, mais ce serait sans doute vrai pour la Grande-Bretagne et en tous cas pour les USA, que de faire coopérer entre-elles des agences de pays étrangers qui sont sur la même thématique. C'est un problème de culture interne" (Eric Pelletier, Du Grain à Moudre)
- "Les services de renseignement intérieur et extérieur n'ont pas les mêmes objectifs. Quand vous prenez les missions antiterroristes du renseignement intérieur, c'est du judiciaire mêlé à du renseignement, puisqu'il faut arrêter les clients pour les passer devant M. le juge. Quand on parle du terrorisme au niveau du renseignement extérieur, là on va remonter des filières, on va essayer de voir qui amène l'armement, qui amène l'argent, où sont les nœuds où il va falloir taper pour pouvoir désorganiser le système adverse, on est pas dans les mêmes logiques que le renseignement intérieur". (Gérald Darbois, Du Grain à Moudre)
-"Même si on crée une direction nationale du renseignement, les subdivisions resteraient dans le même état que les services actuels" (Olivier Chopin, Du Grain à Moudre)
-"A ma connaissance, il y a eu 5 coordinateurs national du renseignement depuis 2008, donc 5 en moins de 7 ans. Il faut une forme d'inscription dans la durée et il faut que ce soit des gens pas du tout politisés" (Olivier Chopin, Du Grain à Moudre)
  
L'idée de davantage de renseignement de proximité

-"Premier niveau de réforme exploré par la commission : le renseignement territorial. Afin d’améliorer la détection des « signaux faibles », Sébastien Pietransanta suggère de redynamiser le renseignement de proximité, profondément désorganisé par la réforme conduite en 2008 par Nicolas Sarkozy, qui avait abouti à la dissolution des RG au sein de la DCRI, ancêtre de la DGSI (renseignement intérieur)". (Propos recueillis par Soren Seelow, le Monde, 5 juillet, 2016).
-"La réforme Sarkozy a enlevé du terrain beaucoup d'agents notamment dans les quartiers (...) Nous sommes en train de recréer un renseignement territorial". (Eric Pelletier et Christophe Dubois)

L'idée d'un équilibre entre renseignement technique et humain

-"La pratique du renseignement a beaucoup évolué avec les nouveaux moyens électroniques et numériques. Mais je refuse l’idée du tout-numérique. La France a longtemps été dans le top mondial pour le renseignement humain. On a eu tendance à faire de plus en plus confiance à la technique. Infiltration, manipulation… Il va falloir réapprendre certaines choses qu’on a oubliées." (Alain Juillet, Challenges, 19 janvier 2015).
-"Aujourd'hui, on croit qu'Internet et le Big Data vont régler tous nos problèmes !!!!" (Gérald Darbois, Du Grain à Moudre)
-"Les services de renseignement n'ont jamais eu autant de pouvoir qu'aujourd'hui (...) Ce que réclament les services, c'est plus de moyens humains, car on voit une vraie difficulté "physique". On a à peu près 10 000 islamistes dangereux ou radicaux et on a la possibilité, à la DGSI, de surveiller 24/24 environ 40  personnes, donc la disproportion, elle existe. Il faut recruter massivement, aussi de linguistes, des techniciens, des informaticiens, ... et ça c'est en cours" (Eric Pelletier, Du Grain à Moudre)
-"Il manque des agents spécialisés et des analystes. Il faut des agents formés pour ça (...) Les algorithmes ne fonctionnent pas pour analyser des comportements humains" (Gérald Darbois. Du Grain à Moudre)
-"Des moyens pour collecter les données, mais pas assez pour les analyser". "Nous avons un noyau dur d'environ 2000 personnes qui tentent d'aller en Syrie et le volume total des personnes radicalisées susceptibles de verser dans le terrorisme est 10 500, donc nous avons besoin aussi du technologique". (Eric Pelletier et Christophe Dubois)

Un nouveau danger, de nouveaux modes opératoires :

"(...) quand on a des modes opératoires aussi décentralisés et low cost. Les attentats du 13 novembre, à peine quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros , c'est difficile à déceler, y a pas d'efforts logistiques." (Eric Pelletier et Christophe Dubois)

 La question de l'environnement syrien et méditerranéen :

-"Il y a aussi la coopération internationale entre les services (...) Nos partenaires hors Europe, dans la zone qui nous intéresse pour le terrorisme islamique, ont été balayés depuis 2011. On avait une coopération officielle : l'Europe 5+5 en méditerranée, on a enlevé la Tunisie, la Libye, l’Égypte est dans le même cas (...) et les Syriens" (Gérald, Darbois, Du Grain à Moudre)
-"Jusqu’à présent la ligne était "On ne touche pas à la Syrie, c'était la ligne diplomatique et officielle (...) A partir du moment où un homme peut menacer la France entière, on décide de frapper militairement la Syrie. On dit jamais en France qu'on va cibler un homme en particulier, c'est une espèce d'hypocrisie, mais c'est bien Abaaoud qui est ciblé à ce moment-là, le problème, c'est qu'Abaaoud est déjà parti et qu'il n'est plus en Syrie" (Eric Pelletier et Christophe Dubois)
-"Y a ces 2 types de menaces, celle présente en France (la menace endogène, difficile à détecter) et y a cœur du sanctuaire syrien une structure d'exportation de la terreur, une sorte de réacteur nucléaire de la terreur, organisée comme nos services secrets, avec des commandos comme Abaaoud en est l'illustration" (Eric Pelletier et Christophe Dubois)

La question du Renseignement pénitentiaire :

-"Ce sera la mission du "Bureau Central du renseignement pénitentiaire" qui voit le jour ce 1er février. Désormais, les services pénitentiaires entrent officiellement dans la communauté du renseignement. "Une vraie révolution culturelle" derrière les barreaux, confirme un haut cadre des services. Car en intégrant le cercle fermé de la famille du renseignement, un certain nombre de ses agents auront accès à ses techniques : sonoriser des cellules, réaliser des écoutes téléphoniques, installer en détention des IMSI-catchers : ces valises, capables d'aspirer, dans un certain périmètre, toutes les données des téléphones portables, sans que les détenus ne s'en rendent compte.
 (Cindy Hubert, journaliste RTL, 1 février 2017).

La question du manque de moyens :

- "Pour un pays membre du conseil de sécurité des Nations Unies, engagé depuis des décennies dans de nombreuses interventions extérieures et cible prioritaire des terroristes djihadistes, notre dispositif est humainement et financièrement largement sous-dimensionné" Eric Denécé, directeur du Centre Français de recherche sur le Renseignement (CF2R)
- "Au Royaume-Uni, pays dont les ressources, la population et les responsabilités internationales sont similaires à celles de la France, la communauté du renseignement compte plus de 20 000 personnes (contre 14 000 pour la France) et est en constant accroissement (...) En Allemagne, les trois services de renseignement fédéraux regroupent plus de 18 000 personnes (...) " Eric Denécé, revue DIPLOMATIE. Géopolitique du Renseignement, avril-mai, 2017.

Un autre élément problématique est l'existence, au sein de la communauté du renseignement française, de la DRPP (la Direction du Renseignement de la préfecture de Police) qui s'occupe que de l'agglomération parisienne. Cela ne facilite pas la coopération avec la DGSI ou le Bureau de la Lutte Antiterroriste de la Gendarmerie nationale...

SOURCES :

http://supersonique.blogs.challenges.fr/archive/2015/01/19/le-renseignement-francais-va-devoir-reapprendre-certaines-c-108936.html
http://www.liberation.fr/planete/2016/12/20/gerard-deprez-plus-on-se-connait-plus-on-se-fait-confiance-plus-on-echange-du-renseignement_1536605
http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/des-espions-en-prison-une-revolution-culturelle-7787021836
http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/07/05/rapport-sur-le-terrorisme-il-y-a-eu-des-failles-de-nos-services-de-renseignement_4963941_1653578.html
http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-enq/r3922-t1.asp
http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/terrorisme-ou-sont-passes-nos-espions-dresse-un-constat-severe-sur-les-failles-du-renseignement-902693.html
https://www.youtube.com/watch?v=biIeNG8GLO8
https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-moudre/de-quoi-les-services-de-renseignement-ont-ils-encore-besoin

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