lundi 28 décembre 2015

"A l'hôpital, on nous traite souvent comme des enfants. L'écoute du personnel est très limitée (...)"

     N'avez-vous jamais ressenti que le personnel médical hospitalier écarte systématiquement votre interprétation des faits, même s'il s'agit de votre propre corps ou de votre propre fils ? N'avez-vous jamais eu l'impression que les médecins vous prennent souvent "de haut" lorsque vous dîtes : "L'an dernier, j'ai eu ceci, j'ai pris tel médicament et c'est passé. Donc, je pense que ..." ? N'avez-vous jamais senti qu'à l'hôpital, vous étiez considérés comme un enfant stupide, dénué de la capacité de raisonner, de trier les informations, de comparer des résultats que pourtant tout le monde peut comprendre ? Et que du coup, on n'hésite pas à vous rabaisser ou à vous "remettre à votre place" ? Cet article, pas facile à rédiger, car je souhaite être objectif, tout en n'étalant pas ma vie privée, est là pour dénoncer une absurdité qui peut s'avérer négative et anxiogène.

      Avant de commencer, je dois indiquer que j'ai fréquenté depuis un moment cinq hôpitaux de plusieurs départements différents. Ce que je vais indiquer concerne les CHU et autres établissements publics de santé, mais que ces travers peuvent aussi être visibles dans de simples cabinets de médecins ou chez tout autre spécialiste. Néanmoins, et heureusement, c'est globalement moins fréquent lorsque l'on consulte son médecin traitant. Mon but n'est pas de faire une attaque en règle de l'hôpital et de lister toutes les choses négatives, mais bien de faire une analyse générale d'un phénomène assez dérangeant.
     En gros, je dénonce l'écoute limitée du personnel hospitalier et notamment le fait que lorsque nous faisons des remarques, des constats ou des observations, ces dernières sont beaucoup trop ignorées. Je vais commencer par défendre le corps médical. Les docteurs et les autres spécialistes ont raison d'agir ainsi, car :
 - Ils doivent se concentrer sur des faits objectifs, plutôt que sur des remarques subjectives; le jugement du patient pouvant être troublé par ses émotions.
- Le docteur dispose de compétences, de diplômes et d'une expérience certaine en la matière que n'a pas le patient.
- Il a peu de temps pour agir et dialoguer vu qu'il est très pressé. Les économies réalisées dans le monde hospitalier par le gouvernement lui laisse peu de marges de manœuvre et lui posent de nombreuses contraintes.
- Le spécialiste médical étant un humain, personne n'aime avoir l'impression "qu'on lui apprend son métier"...

Cependant, ce manque d'écoute peut avoir les conséquences négatives suivantes, qui ne sont pas à négliger :
- Le patient peut se sentir incompris, peu écouté, voire désemparé. Un "mur" se creuse progressivement entre lui et le personnel hospitalier.
- Si le malade a des questions sans réponses qui s'accumulent dans sa tête, son stress peut fortement augmenter.
- Le patient étant la seule personne qui a été en contact avec les différents spécialistes qui se sont occupés de lui, il est à même de faire la synthèse entre leurs différentes déclarations. Le médecin a lui sous les yeux, au mieux que de courts documents, or les spécialistes de la santé se contredisent régulièrement entre eux...
- Le malade a un "historique médical" qu'il connaît bien, puisqu'à chaque fois, il en a été la victime directe. Du coup, il dispose de renseignements issus de l'expérience.
- Face au manque de réponses, la personne souffrante peut être tentée d'en trouver sur le web, avec les risques que cela comprend. Généralement, ceci entraîne un cercle vicieux : moins les docteurs communiquent, plus les patients cherchent sur internet, plus les spécialistes médicaux se vexent, plus la situation se crispe...
- Le malade peut avoir des informations provenant d'un proche qui souffre des mêmes symptômes que lui et ces renseignements médicaux ne sont pas forcément à jeter, surtout si la personne en question a une filiation génétique directe avec lui.
- A l'heure où on constate que les citoyens veulent prendre leur vie en main, qu'on évoque la responsabilisation des salariés dans une entreprise, qu'on indique qu'il faut rendre les "élèves acteurs de leur propre savoir" à l'école, n'est-il pas illogique de faire taire ainsi les personnes souffrantes et les réduire à la passivité ?
- Enfin, il y a un gros paradoxe : à l'hôpital, le patient ne peut pas rester passif. Il doit être vigilant, de manière à être soigné correctement, car le personnel peut faire des oublis (de médicaments, d'ordonnance, de bulletin d'hospitalisation, ...) ou des petites erreurs. De ce fait, le malade doit être à la fois passif lors des consultations et des diagnostics, mais aussi actif le reste du temps pour qu'il soit bien pris en charge. Ce genre de comportements contradictoires a de quoi stresser et désorienter le patient.

    On constate ainsi à travers ces constats que le personnel hospitalier ne doit pas seulement "agir" mais aussi "informer", "communiquer" et "rassurer". Il y a la douleur physique, mais aussi celle qui est psychologique. En voulant se réserver l'analyse médicale, les docteurs se rendent rarement compte qu'ils frustrent souvent leurs patient et qu'ils laissent s'installer chez eux des doutes, des questions sans réponses et au final de la méfiance. Si le personnel de santé voit les malades comme des enfants sans cerveaux et aux émotions futiles, et que ces derniers voient dans les docteurs des robots qui agissent machinalement, comment ne pas s'alarmer ?
       Je ne suis pas le premier à dénoncer le manque de communication des médecins, c'est pourquoi, en guise d'ouverture, je conseillerais aux formateurs de bien faire apprendre aux étudiants en médecine les 7 principes de la bonne communication de M.R Chartier :
1° Le principe de pertinence (atteindre le cadre de référence de la cible)
2° Le principe de simplicité
3° Le principe de définition (définir avant de développer)
4° Le principe de structure (organiser ses idées)
5° Le principe de répétition (redire les éléments clefs du message)
6° Le principe de comparaison et de contraste
7° Le principe de l'appui sélectif (insister sur les points les plus importants).

J'ajouterai que lorsqu'il y a a 7% de risque, ce serait bien que les spécialistes médicaux ne sur-communiquent pas sur ce danger-là au risque de surangoisser le patient et de créer le problème qu'ils voulaient justement éviter à tous prix.

SOURCES :

Nombreuses expériences personnelles.

+ GORI Roland et DEL VOLGO Marie-José, La Santé totalitaire. Essai sur la médicalisation de l'existence, Denoël, Paris, 2005.

J'avoue ne pas avoir lu cet ouvrage. Cependant si on prend la définition large du totalitarisme, à savoir : "une idéologie forte capable de légitimer des actes extrêmes, voire violents" et si on inclut dans les actes violents, la violence verbale et symbolique, cet ouvrage peut s'avérer intéressants et pertinents, même si personnellement je n'irais pas jusqu'à franchir ce pas.


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