mardi 30 décembre 2014

La bataille aérienne de la Bekaa en 1982 (opération Paix pour la Galilée) : un cas d'école


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L’Occident tout entier a eu le regard tourné vers le Liban en août 2006, observant les tragiques événements qui s'y déroulaient. Certains évoquèrent à cette occasion les limites de l'airpower, voire des EBO (opération basée sur les effets). Cependant, peu de personnes se souviennent que les troupes d’Israël étaient déjà intervenues militairement dans ce pays en 1982. Rares sont ceux qui connaissent l'extraordinaire bataille qui opposa les forces aériennes israéliennes à l’aviation de Damas. Les combats violents qui eurent lieu aboutirent à la destruction de 92 avions syriens, alors qu'Israël ne déplora la perte que de quelques hélicoptères,  de plusieurs drones et de deux chasseurs. 
            Comment expliquer l’éclatant succès de Tel-Aviv, après les déconvenues de la Guerre du Kippour (cf : la menace sérieuse des SAM  égyptiens) ?

Tout commença le 4 Juin 1982. A cette époque, le Liban était en guerre depuis déjà 7 ans et le nombre de victimes augmentait chaque jour davantage. Les 300 000 palestiniens qui s’étaient réfugiés dans ce pays depuis 1948 et surtout depuis 1971 (date du coup d’état manqué contre la monarchie jordanienne) inquiétaient beaucoup le gouvernement Israélien. En effet, les miliciens de l’OLP violèrent régulièrement la frontière israélo-libanaise, causant des pertes importantes aux Israéliens (environ 29 morts et 300 blessés entre le printemps 1981 et avril 1982). En représailles, l’aviation de Tel-Aviv bombarda plusieurs fois les troupes palestiniennes durant cette période, ces dernières étant estimées à 15 000 hommes. Le 4 Juin 1982 donc, des Skyhawk des forces aériennes israéliennes (les Hayl Ha’Avir), menèrent un raid de 90 minutes sur Beyrouth, précisément contre un terrain de football transformé en dépôt de munitions. Malgré les tirs de plusieurs missiles sol-air, l’opération fût un succès total et tous les appareils juifs rentrèrent sains et sauf. Le lendemain, les Israéliens tentèrent de renouveler leurs bombardements sur la capitale libanaise, mais ils perdirent un avion suite à des tirs de missiles SAM provenant de batteries installées dans la région. Le 7 Juin, un duo de F-16 abattirent deux Migs syriens lors d’une opération d’attaque au sol. Les Israéliens en conclurent qu’il devaient lancer une vaste campagne aérienne s’ils voulaient ne plus être dérangés par l'armée de l'air de Damas. Le 9 Juin, plusieurs escadres de F-16, de F-15 et de F-4 Phantom passèrent la frontière en rase motte et elles foncèrent sur les défenses syrienne installées dans la vallée de la Bekaa. Dix-sept batteries de missiles SAM, essentiellement des SA-6, furent détruites à cette occasion en moins de 10 minutes. L’aviation syrienne tenta une contre-attaque, mais elle perdit 23 appareils dans les différents combats aériens qui se succédèrent tout le long de la journée. Le lendemain, les deux dernières batteries de missiles SAM furent annihilées par une seconde vague israélienne, qui abattit au passage 35 avions  de combat syriens. Tsahal lança en parallèle son offensive terrestre, avec trois divisions blindées, atteignant Beyrouth le 26 Juin. Durant toute la durée des opérations, le gouvernement de Damas continua d’envoyer ses Mig affronter les chasseurs israéliens, mais il perdit toujours plus d’appareils : fin juillet, on estima les pertes syriennes à environ 90 avions. L’armée israélienne, forte de 75 000 hommes et comprenant plus de 800 tanks, triompha aisément des 22 000 Syriens présents sur place.

Les forces aériennes israéliennes pouvaient compter sur environ 634 appareils, 364 ayant été engagés, alors que la Syrie possédait que 440 avions, et elle en aurait utilisé guère plus d’une centaine. Les appareils de Tel-Aviv étaient aussi bien plus récents que ceux de Damas. Les Israéliens disposaient donc d’une supériorité numérique et qualitative, à laquelle s’ajoute la qualité de leurs pilotes, bien entraînés et bien formés, sans doute plus compétents que leurs adversaires syriens.

Des questions de doctrines et l'emploi massif de la guerre électronique par les israéliens expliquent ce succès important de Tel-Aviv.
Alors que les Israéliens s’appuient massivement sur le C3I (Command, Control, Communication et Intelligence) et sur la guerre électronique, les Syriens appliquent des doctrines aériennes classiques, notamment celles de l'URSS. Les pilotes israéliens ont d’abord mené une campagne de renseignement exemplaire, utilisant des avions de surveillance, des appareils d’écoute électronique, mais aussi des drones dotés de caméras surveillant en temps réel le champ de bataille. De plus, grâce à leurs avion-radar Hawkeye, ils pouvaient détecter les chasseurs syriens dès leur décollage,

tout en coordonnant  les différentes interceptions  pour engager le combat dans les meilleures conditions. Enfin, les Israéliens utilisèrent des avions de guerre électronique qui brouillèrent les radars ennemis, ainsi que les communications entre les avions syriens d’une part, ainsi qu'entre les avions et leurs bases aériennes d’autre part. Les chasseurs arabes étaient donc détectés avant même de constituer une menace et ils étaient aveugles et sourds suite aux actions de guerre électronique. Une autre astuce utilisée par les Israélien était d’envoyer leurs drones pour simuler une véritable attaque contre la vallée de la Bekaa, afin que les Syriens « allument » leurs radars et qu'ils utilisent leurs fréquences de combats. Ensuite, les radars ennemis étaient localisés, leurs fréquences étaient analysées et répertoriées par des avions d’écoute électronique, toutes ces informations étant ensuite réutilisées pour produire un brouillage électronique adéquat. Notons enfin que les soldats d’Israël utilisèrent leur artillerie terrestre pour détruire des radars syriens proche de la frontière, qu'ils firent usage de missiles anti-radar type HARM, et qu’ils avaient auparavant repéré que les Migs arabes étaient vulnérables sur leurs flancs (où leurs senseurs étaient moins efficaces).
Du coté de Damas, la stratégie employée était fondamentalement différente. Leur tactiques de combat s’appuyait sur la doctrine du Ground Control Interception, à savoir que les avions ennemis devaient être détecté par des radars terrestres, puis traiter en priorité par les défenses sol-air, puis, si c’était insuffisant, les intercepteurs devaient éliminer les derniers appareils survivants. La reconnaissance et la surveillance de l’espace aérien par des avions, et non par des stations rivées au sol, étaient négligées. Du coup leur dispositif, très statique et très rigide, était vulnérable aux attaques électroniques adverses. En plus, les Syriens n’utilisèrent pas au mieux les capacités de leurs batteries de missiles SAM, car celles-ci, déplaçables facilement, sont restées immobiles pendant plus d’un mois, et ce, sans camouflage. Elles furent ainsi vite localisées par les avions de Tel-Aviv, le dispositif de Damas étant très vite identifié dans sa totalité. 

Nous pouvons conclure que la bataille de la Bekaa fût une mission SEAD (suppression of ennemies air defences) à grande échelle, suivie d’affrontements aériens. La technologie, l’organisation souple et en réseau de l’aviation israélienne, les moyens électroniques employés, formèrent des facteurs décisifs qui apportèrent la victoire à Tel-Aviv. Cependant, il faut aussi garder un esprit critique et nuancer ceci. En effet, les appareils syriens étaient des MIG-21 et MIG-23 datant respectivement de 1960 et de 1970, alors que les F-15 et F-16 israéliens sont entrés en service vers  1976 et 1978. Les missiles SAM SA-6 datent eux de la fin des années 1960. Par conséquent, les forces étaient très déséquilibrées en faveur d'Israël qui avait une nette avance technologique sur son adversaire. 

SOURCES :

 GRANT Rebecca, The Bekaa Valley War, Air Force magazine, June, 2002.
Ancien numéro de Science et Avenir sur les Grandes Batailles.
HENROTIN Joseph, L'Airpower au XXIe siècle. Enjeux et perspectives de la stratégie aérienne, Bruylant, RMES, Paris, 2005.

2 commentaires:

  1. Je suis de ceux qui ne connaissent pas cette histoire qui s'est déroulé l'année de ma naissance. Et je me rends compte que l'Israël a une force armée importante depuis des années.

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  2. En effet, depuis 1980, l'Etat Hébreux s'est équipé de systèmes d'armes de 3e, puis de 4e génération, alors que ses pays voisins ont parfois encore du matériel des années 1960. Et je ne parle pas des systèmes anti-missiles (anti-roquettes) et de la bombe A... Ravi de voir que mon post vous ai plu ^^

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